Dès l’entrée en salle, une immersion déroutante dans le monde obscur de la cybernétique qui, peu à peu, à notre insu, étend son emprise sur notre mode de vie, publique et privée, surtout privée. C’est qu’on pourrait craindre d’être entrés dans la dernière phase de l’évolution d’Homo Sapiens. Après la révolution néolithique, pendant des millénaires, puis industrielle pendant quelques siècles, voici, en quelques dizaines d’années, la révolution cybernétique, comme le début de la fin de « l’Odyssée de l’Espèce », la dépossession, chez l’homme, de toute indépendance d’esprit. Bonjour les insondables algorythmes, les QR codes, les cookies intrusifs, les caméras fouineuses, les voix artificielles d’hôtesses de gare…Tapez deux.

Sur scène, en une dizaine de tableaux, de sketchs, nous entrons dans un faux vrai monde d’après, un monde peuplé d’hologrammes, de personnages en proie à des situations curieuses, drôles, inquiétantes, cocasses. Voici une femme dépressive et son A.M.I. dématérialisé, bien meilleur soutien qu’un amant, un mari, un chien, un psy ; une autre femme aux prises avec un digicode intraitable ; un nouveau Docteur Folamour cyberatteint ; une femme encore qui nous chante « Listen to me » avant de s’écrouler… Le dernier des homos sapiens libres, poussé à la limite de sa résistance, qui abdique et qui hurle « J’accepte, j’accepte, j’accepte… »

Où nous mène à notre insu l’Intelligence Artificielle, la cybernétique, aux mains de quelles puissances ?

Ce spectacle est une gageure et une réussite. Quatre remarquables comédiens, un engagement total, une scénographie inventive sur un texte original contemporain. Une vraie création théâtrale collective, du théâtre de notre temps comme on en a tant aimé au « Festival du Jeune Théâtre .

 « Représenter l’univers numérique, ange, démon et ogre à la fois dans un théâtre de chair et d’os : une totale réussite. » 

La Dépêche